Depuis l’investiture de Donald Trump, les droits de la femme sont en péril. Particulièrement en ce qui concerne l’avortement. Les projets de loi se multiplient, les films de mauvais goût aussi. Plus que jamais, les États-Unis font marche arrière.
Il avait promis de rendre la vie dure aux plannings familiaux et à l’IVG durant sa campagne électorale, il a tenu ses promesses. Depuis son élection, Donald Trump a fait de la réduction des droits de la femme l’un de ses chevaux de bataille. Budgets rabotés, accès limités, les plannings familiaux et les organisations qui défendent la liberté du corps en prennent pour leur grade au profit des partisans du pro-life qui voient en Donald Trump un messie et l’opportunité de retourner en arrière.
Mardi dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU votait un texte voué à mieux prévenir des violences sexuelles comme armes de guerre. Frileux de voir les termes « santé sexuelle et reproductive » figurer dans la résolution, les États-Unis ont fait pression jusqu’à faire passer une version amputée et moins impactante. Selon certains diplomates de l’ONU, plusieurs membres de l’administration du 45e président estimaient qu’un des passages banalisait les relations sexuelles et cautionnait l’avortement. Dernier accro en date, mais certainement pas le premier.
De plus en plus d’États américains – principalement (très) conservateurs – ont récemment décidé de remettre le droit à l’IVG en question et introduisent au compte-gouttes des projets pour le limiter. Celui qui séduit le plus : le fetal hearthbeat bill qui rend l’avortement illégal dès la détection d’un rythme cardiaque de l’embryon (aux alentours de six semaines de grossesse). Soit un laps de temps très court où la plupart des femmes ne savent même pas encore qu’elles sont enceintes. Il s’agit de la loi anti-avortement la plus contraignante de tout le pays. Le texte comporte tout de même une exception en cas de complications médicales, mais ne mentionne pas les victimes de viol ou d’inceste. Nombreuses sont les associations de défense des droits des êtres humains qui dénoncent l’abomination d’une telle loi, en vain. 18 des 50 États américains ont déjà soumis le projet de loi à leur Parlement. Pour l’instant, seuls l’Ohio, l’Alabama et la Géorgie ont réussi à le faire passer et le fetal heartbeat bill sera d’application dès le 1er juillet. Pour les autres, les procédures sont, soit en cours, soit bloquées.
Virage à droite
En 1973, la Cour suprême présente la décision « Roe vs. Wade » qui interdit aux États de prohiber l’avortement et reconnaît l’IVG comme un droit constitutionnel. Un des arrêts les plus importants de l’Histoire des USA mais qui semble le plus en péril depuis l’été dernier et le départ à la retraite d’Anthony Kennedy, l’un des neuf juges à la Cour suprême. En place depuis 1988, il était perçu comme le « juge pivot » qui penche tantôt en faveur de la droite, tantôt en faveur de la gauche. À plusieurs reprises, il avait pris la défense de l’arrêt « Roe vs Wade » et fait penché la balance en faveur des progressistes et, dans ce cas de figure, en faveur de la préservation du droit à l’avortement.
Les juges de cette institution, l’une des plus puissantes du monde, sont désignés par le président en place et nommés à vie. Ce qui signifie que si les quatre juges progressistes restants décident de prendre leur retraite sous l’actuel président, la Cour suprême pourrait se retrouver aux seules mains des conservateurs pour de longues années. En octobre dernier, Donald Trump avait choisi le très controversé Brett Kavanaugh pour remplacer Anthony Kennedy. Le catholique de 53 ans n’a jamais caché son aversion pour l’IVG. En 2017, c’est lui qui avait bloqué l’avortement d’une jeune migrante entrée illégalement sur le territoire, Jane Doe. Brett Kavanaugh, alors juge à la Cour d’appel de Washington D.C., déclarait à l’époque que : « La majorité pense apparemment que le gouvernement doit autoriser les migrants mineurs illégaux à avoir un recours immédiat à l’avortement sur demande ». Depuis sa nomination, la Cour suprême a basculé dans le camp des conservateurs (cinq contre quatre progressistes) et fait la misère, entre autres, au droit à l’avortement.
« Tueurs de bébés »
Depuis, les contraintes sont de plus en plus nombreuses. Outre de cette fameuse fetal hearthbeat bill, certains États s’attellent à rendre le droit à l’avortement de plus en plus compliqué. Dans le Mississippi – qui devrait bientôt adopter la loi heartbeat – il n’existe qu’une seule clinique qui pratique l’IVG et qui impose un nombre important de restrictions, ce qui « rend pratiquement impossible d’y avoir accès avant la sixième semaine de grossesse« , dénonçait Elisabeth Smith, avocate du Centre pour les droits reproductifs, dans un communiqué. Autre cas de figure, en Alabama, les femmes qui souhaitent se faire avorter se voient imposer un délai d’attente de deux jours, un examen du fœtus et le consentement d’un parent. Une vingtaine d’autres procès sont en cours pour tenter de révoquer le droit à l’avortement instauré en 1973.
Début avril, un millionnaire persuadé que Donald Trump a été choisi par Dieu finançait Unplanned, un film basé sur une histoire vraie et qui attaque les pratiques des plannings familiaux, ces « tueurs de bébés ». Images gores, extrapolations, piètre scénario, réalisation bas de gamme, le long-métrage a tout de même généré 12 millions de recettes au box-office, soit le double de ce qu’il a coûté.
https://moustique.be/23713/aux-etats-unis-le-droit-avortement-recule-massivement