Etats-Unis : la vague anti-avortement emporte la Géorgie

Après l’Ohio, le Mississippi et le Kentucky, l’Etat vient d’adopter une loi extrêmement restrictive en la matière. Une nouvelle étape dans la bataille menée par les ultra-conservateurs qui espèrent porter le débat devant Cour suprême.

La Géorgie est devenue mardi le quatrième Etat américain à se doter de l’une des législations les plus restrictives du pays en matière d’avortement. Le texte, nommé «Heartbeat bill», interdit aux femmes de cet Etat du sud conservateur l’interruption volontaire de grossesse, dès que les battements de cœur du fœtus peuvent être détectés. Soit une quasi-interdiction de l’avortement, puisque le cœur peut être entendu dès la sixième semaine de grossesse, stade auquel de nombreuses femmes ne savent pas encore qu’elles sont enceintes. La loi actuelle autorise l’avortement en Géorgie jusqu’à la 20e semaine de grossesse.

«Nous défendons les innocents, les vulnérables, ceux qui ne peuvent pas parler pour eux-mêmes», a affirmé le gouverneur républicain Brian Kemp en apposant sa signature au texte. Celui-ci doit entrer en vigueur en janvier 2020 et prévoit des exceptions en cas de danger réel pour la mère, de viol et d’inceste (mais sous réserve qu’une plainte ait été déposée). Avec sa signature, le gouverneur a voulu «garantir à tous les Géorgiens l’opportunité de vivre, grandir, apprendre et prospérer», a-t-il déclaré mardi.

«Mépris total»

La signature du texte intervient après des semaines de manifestations devant le Capitole de l’Etat à Atlanta, et donne le coup d’envoi à ce qui s’annonce comme une longue bataille judiciaire sur sa constitutionnalité. L’organisation de défense des droits civiques Aclu a déjà fait savoir qu’elle allait saisir la justice contre une loi qu’elle juge «clairement anticonstitutionnelle», selon son directeur juridique en Géorgie, Sean Young. «Cette loi met à rude épreuve la santé et le bien-être des femmes de Géorgie et révèle un mépris total pour leurs droits constitutionnels pourtant bien établis», regrettait après le vote de la loi par le Parlement de l’Etat, fin mars, la directrice locale de l’Aclu Andrea Young.

L’une des élues qui s’est le plus fermement opposée au texte, la sénatrice démocrate de l’Etat Jen Jordan, s’inquiète qu’une telle loi pousse les obstétriciens à partir exercer ailleurs. Entraînant une nouvelle dégradation de l’accès aux soins gynécologiques, alors que la Géorgie affiche l’un des pires taux de mortalité maternelle du pays. Jen Jordan parle de «conséquences imprévisibles» «Des femmes vont mourir à cause des choix politiques [des élus républicains], alors que ce sont des morts qu’on peut éviter», a-t-elle déploré dans une récente interview.

Croisade

Depuis le début de l’année, les conservateurs du pays redoublent d’effort dans leur croisade anti-IVG. L’institut de statistiques Guttmacher, qui défend les droits reproductifs, a recensé plus de 300 mesures restreignant l’avortement adoptées en 2019 dans 28 Etats américains. En Alabama, les législateurs veulent interdire, à de rares exceptions près, aux médecins de pratiquer des avortements, sous peine de prison. Le Tennessee, le Missouri, la Caroline du Sud ou encore la Louisiane planchent sur des propositions de loi semblables à celle signée en Géorgie.

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Des lois «heartbeat» équivalentes ont déjà été adoptées dans trois autres Etats : l’Ohio, le Mississippi et le Kentucky. Elles ont été rapidement bloquées par des juges saisis par l’Aclu, et la loi devrait connaître le même sort en Géorgie. Mais c’est justement ce qu’attendent les opposants à l’avortement, qui multiplient les fronts à travers le pays : si des juges fédéraux bloquent le texte, les Etats peuvent faire appel de la décision, dans l’espoir d’aller jusqu’à la Cour suprême. Et ainsi, tester la résistance de l’arrêt Roe v. Wade, qui a reconnu en 1973 le droit des femmes à avorter tant que le fœtus n’est pas viable. Depuis près de cinquante ans, la Cour a systématiquement suivi l’arrêt, qui a légalisé de fait l’avortement aux Etats-Unis.

La manœuvre est loin d’être nouvelle, mais les anti-avortements sont galvanisés par l’arrivée à la Cour suprême de deux magistrats conservateurs nommés par le président Donald Trump, Neil Gorsuch et Brett Kavanaugh. «Les Etats poussent pour des interdictions radicales de l’avortement clairement en violation de Roe v. Wade, affirme Elizabeth Nash, du Guttmacher Institute. Il s’agit d’une stratégie délibérée pour mener ces cas devant la Cour suprême, dans l’espoir qu’une Cour de plus en plus conservatrice affaiblira, voire annulera l’arrêt.»

https://www.liberation.fr/planete/2019/05/08/etats-unis-la-vague-anti-avortement-emporte-la-georgie_1725593

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