Une médecin a décrit le calvaire d’une fillette violée et enceinte, alors que les autorités étaient restées inactives. N’ayant pas eu accès à l’IVG, elle a subi une césarienne.
«Cette enfant a été torturé pendant des semaines par les autorités.» La gynécologue Cecilia Ousset, qui a réalisé la césarienne de Lucia, une fillette de onze ans, dans la province argentine de Tucumán, n’est pas tendre avec l’Etat.
La jeune fille avait été violée par le partenaire de sa grand-mère, âgé de 66 ans. Le 29 janvier dernier, sa mère l’amenait à l’hôpital, où les médecins découvrait qu’elle était déjà enceinte de 19 semaines. La fillette a raconté les agressions répétées du sexagénaire et demandé qu’on lui enlève «ce que le vieil homme lui a mis dans le ventre».
Lucia et sa mère avaient alors formulé une demande d’avortement. En Argentine, une loi de 1921 autorise l’intervention volontaire de grossesse (IVG) en cas de viol ou de danger pour la vie de la mère. Mais dans la province conservatrice de Tucuman, les autorités ont d’abord essayé de «sauver les deux vies» et décidé de ne pas interrompre la grossesse de la jeune fille.
Cinq semaines plus tard, Cecilia Ousset a finalement reçu un appel du secrétaire provincial pour lui annoncer que la fillette était en danger en raison d’une tension trop élevée et de blessures auto-infligées, et qu’il fallait pratiquer l’opération, mais que pour des raisons de conscience de nombreux médecins avaient décidé de ne pas effectuer la procédure. La gynécologue et son mari, également médecin, n’ont pas hésité longtemps avant de se rendre à l’hôpital public Eva-Peron pour faire ce que personne ne voulait faire.
«Lorsque je suis entrée dans la pièce, j’ai failli pleurer, raconte Cecilia Ousset dans une interview à Infobae. Lucia était assise sur son lit d’hôpital, en train de jouer avec des poupées. Elle était toute petite et pesait à peine 50 kilos.»
«Par voie basse, l’accouchement n’était pas possible. Son corps n’est pas suffisamment développé pour supporter une grossesse de 23 semaines, et s’il l’avait été, les conditions psychologiques n’étaient pas réunies, du fait des nombreux abus qu’elle a subis», précise la gynécologue. Pour préparer l’opération, les médecins ont dû l’anesthésier. «Elle n’a pas permis qu’on lui enlève ses sous-vêtements. C’est courant chez les victimes d’abus sexuels», explique encore Cecilia Ousset.
Peu de chances de survie pour le bébé
Dans la salle d’opération, Cecilia Ousset et son mari ont aussi dû faire face au refus du personnel soignant d’effectuer la procédure médicale. Ces derniers ont choisi de quitter la salle. «Mon époux a dû faire la césarienne et j’ai repris le rôle de l’instrumentiste. Un de nos amis médecins est venu travailler comme anesthésiste.»
Le nouveau-né, une petite fille de 600 grammes à peine, a survécu à la césarienne, mais ses chances de survie son faibles. De son côté, Lucia est en bonne santé.
Plainte d’ONG
L’affaire n’est toutefois pas terminée puisque l’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International et quatre autres ONG ont décidé d’attaquer en justice les autorités sanitaires argentines qu’elles estiment responsables de «nombreuses violations» vis-à-vis de la fillette.
«L’État est responsable de la torture de Lucia», a dénoncé l’organisation féministe #NiUnaMenos, en pointe dans la mobilisation pour le droit à l’avortement. Le gouvernement de la province de Tucuman, dont dépend la juridiction qui n’a pas autorisé l’avortement, s’est justifié en disant avoir mis en œuvre «les procédures nécessaires pour sauver les deux vies».
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