La commissaire aux droits de l’homme met en garde contre le contrôle du système judiciaire et les restrictions d’accès à l’IVG. Déjà sanctionné par la Commission européenne sur le premier volet, le parti au pouvoir ne devrait pas changer sa ligne pour autant.
La Pologne doit garantir l’indépendance de son système judiciaire et rendre l’avortement accessible à toutes les femmes. Ce sont les deux principales recommandations de Dunja Mijatovic, la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe (qui ne fait pas partie de l’Union européenne). Mais le rapport publié le 28 juin ne devrait pas plus faire réagir le parti Droit et Justice (PiS), au pouvoir depuis 2015, que les précédents rappels à l’ordre de la Commission européenne et de la Cour de justice de l’Union européenne.
Article 7
En décembre 2017, le pays avait en effet été visé par l’article 7 du traité sur l’Union européenne, suite à la réforme de la justice. Une première en Europe. Sans que cela n’arrête le parti conservateur de Jaroslaw Kaczynski pour autant, puisque seul le volet préventif avait été activé. Le deuxième, privant l’Etat de son droit de vote au Conseil européen, a très peu de chance d’être accepté dans la mesure où il requiert l’unanimité des Etats membres – certains ont annoncé qu’ils ne le voteraient jamais.
De son côté, la Cour de justice de l’UE a estimé, le 24 juin, que cette réforme violait le droit européen, après avoir demandé sa suspension en décembre. «Le gouvernement ne compte pas s’y conformer, même si des compromis ont été cherchés au niveau national, notamment sur le blocage de la Cour suprême, note Cédric Pellen, spécialiste de la Pologne à l’université de Strasbourg. Il y a un côté contre-productif des positions de la Commission européenne sur la Pologne à cause de l’instrumentalisation politique, elle-même due au fait que le Polonais Donald Tusk, opposant de longue date du PiS, préside le Conseil européen. Or, en passant par le Conseil de l’Europe, cela permet de réduire la critique potentielle puisque les recommandations viennent d’une institution extérieure à l’UE», espère-t-il tout de même.
Sanctions financières
Pas sûr, cependant, que cet ancien pays communiste tende une oreille plus attentive sur la question du droit des femmes. Dunja Mijatovic s’est en effet dite, dans le rapport, «préoccupée par les tentatives répétées de restreindre davantage le droit à l’avortement, pourtant déjà très restrictif». Alors que l’IVG s’avère, pour l’heure, seulement autorisée en cas de danger pour la vie de la mère, de viol, d’inceste ou de lésions graves et irréversibles sur le fœtus, le gouvernement envisage de supprimer cette dernière option.
Ce durcissement pourrait toutefois, selon le maître de conférences à l’université Paris-Nanterre et spécialiste de la Pologne Frédéric Zalewski, attendre les élections législatives d’octobre. «Il n’y a jamais eu de majorité franche pour la remise en cause de l’avortement. Cela reste une question marginale portée par les associations et les députés les plus conservateurs du PiS, estime-t-il. Ce n’est pas ce genre de proposition qui permettra au parti de remporter l’élection.» Rien n’exclut en revanche, toujours selon Frédéric Zalewski, que le projet de loi soit appliqué par la suite, si le PiS gagne et obtient une majorité au Parlement.
Ni la Commission européenne, ni la Cour de justice, ni même le Conseil de l’Europe n’arrivent donc à faire entendre raison à la Pologne. En dernier recours, des sanctions financières sont donc étudiées. «Dans le cadre du nouveau budget de l’UE pour la période 2021-2027, la Commission européenne a proposé d’instaurer des conditions – qui n’existent pas pour le moment – à l’attribution des fonds, notamment en termes de respect des valeurs européennes, explique Cédric Pellen depuis l’université de Strasbourg. Les outils actuels s’avérant inapplicables, il faut trouver des nouvelles manières et toucher au portefeuille.» La Hongrie, sanctionnée elle aussi par l’article 7, pourrait également être concernée. Reste à savoir, comme pour chaque décision prise à l’échelle européenne, où s’arrête le droit national et où commence celui de l’UE.