Le débat sur l’avortement est complexe aux États-Unis. Il ne prend pas seulement la forme d’un échange houleux pour ou contre l’IVG, débat tranché en 1973 par la Cour suprême. Il porte également sur les conditions d’accès à cet acte chirurgical, comme en témoigne l’adoption par la Louisiane d’une loi bloquée jeudi 7 février par les neuf sages. Ce dossier avait valeur de test pour cette institution à l’équilibre politique modifié par les nominations de Donald Trump.
Une loi controversée de Louisiane
Au cours des dernières années, de nombreux États, notamment dans le sud du pays, ont pris des mesures controversées, les militants pro-avortement y voyant autant de restrictions à l’accès à l’IVG.En 2014, par exemple, la Louisiane, État républicain, a adopté une loi imposant aux médecins volontaires pour pratiquer des avortements dans des centres prévus à cet effet d’avoir une autorisation d’exercer dans un hôpital situé à moins de 50 kilomètres du lieu de l’opération. Pour les élus de Louisiane, il s’agit d’un impératif de santé : le but est de pouvoir transférer les patientes dans des hôpitaux voisins en cas de complication.
Pour les défenseurs du droit à l’avortement, en revanche, ces conditions sont trop drastiques. Seul un médecin et une clinique pourront continuer à pratiquer des avortements dans tout l’État, assurent-ils, un nombre insuffisant pour les quelque 10 000 IVG pratiqués chaque année en Louisiane.
Un arrêt test
Contestée en appel, cette loi est remontée, après des années de procédure, jusqu’à la Cour suprême, appelée à trancher sur les sujets de société. La décision des neuf sages était d’autant plus attendue qu’en 2016, ils avaient invalidé une loi similaire adoptée en 2013 par le Texas. Or la composition de la Cour a changé depuis, sous le coup des deux nominations effectuées par Donald Trump. L’homme d’affaires du Queens, qui a gagné la présidentielle grâce notamment au soutien des évangéliques, avait promis de ne nommer à la Cour suprême que des juges opposés à l’avortement. Il a pour l’heure tenu parole, modifiant l’équilibre de l’institution judiciaire en nommant le conservateur Brett Kavanaugh après le départ à la retraite du modéré Anthony Kennedy.
Le cas de Louisiane avait donc valeur de test quant à l’attitude de cette nouvelle Cour sur le dossier extrêmement sensible de l’avortement. Or la Cour a rendu une décision conforme à celle de 2016 : son président, John Roberts, a joint sa voix à celle des quatre magistrats progressistes pour bloquer la législation de Louisiane.
Donald Trump dans le discours sur l’état de l’Union
Cette décision intervient quelques jours à peine après le discours sur l’état de l’Union, qui a vu Donald Trump mentionner l’avortement, pour la première fois à l’occasion de pareil discours depuis son arrivée aux affaires. Mardi 4 février, dans un discours pourtant placé sous le signe du compromis, le président a attaqué une loi récemment adoptée par l’État de New York, qui dépénalise les avortements au troisième trimestre quand la grossesse menace la santé de la mère ou quand l’enfant n’est pas viable.
Peu après, le locataire de la Maison-Blanche a appelé le Congrès à agir : « Pour défendre la dignité de chaque personne, je demande au Congrès de voter une loi interdisant les avortements tardifs », a-t-il déclaré. En pratique les avortements tardifs sont très rares. Selon le Centre de contrôle et de prévention des maladies, qui dépend du ministère américain de la santé, plus de 90 % des IVG pratiqués en 2015 ont eu lieu avant 13 semaines de grossesse, et seul 1,3 % après 21 semaines.