Il a fallu dix ans à Silvia pour apprendre à parler de son avortement. La militante féministe de 29 ans a longtemps eu la sensation d’être vue «comme une meurtrière» en Italie. En découvrant sa grossesse à 19 ans, elle a su «immédiatement qu’[elle] voulait avorter». Elle est alors à un mois et demi de grossesse, soit bien avant la limite légale de 90 jours au-delà de laquelle l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est interdite en Italie.
Silvia demande un avortement mi-mai 2009, dans un centre du planning familial de Rome. Elle n’avortera pourtant que fin juin, à quelques jours de la fin du délai légal : «les listes d’attente sont trop longues», lui répond-on quand elle s’inquiète de cette attente. La jeune femme voit son corps changer, prend six kilos. Une période vécue «comme un chemin de croix, dissuasif et culpabilisant», durant laquelle elle se cache de ses parents et abandonne son semestre universitaire.
L’attente prend fin en un coup de fil : «Tu ne dois plus manger, plus boire, plus fumer. Tu seras opérée demain.» A l’hôpital Sandro Pertini de Rome, une infirmière lui rappelle en lui tendant les pilules à prendre avant l’opération qu’il s’agit de sa «dernière opportunité de choisir de ne pas avorter». A son réveil, seule dans sa chambre, Silvia commence à «vomir de la bile, sur [elle], sur [son] t-shirt, sans avoir la force de se lever pour aller aux toilettes». Sans change, elle est poussée vers la sortie «moins d’une heure après l’opération». Sa gynécologue habituelle, qu’elle découvre opposée à l’avortement, rechigne à lui faire la visite de contrôle obligatoire après un avortement chirurgical.