Maroc: Islam – Avortement: le Conseil supérieur des Oulémas a-t-il tranché le débat au Maroc?

07/12/2019

Polémique. Le débat sur l’avortement a de nouveau refait surface au Maroc alors qu’un projet de loi relatif à cette question a été approuvé, il y a 3 ans, par le gouvernement mais qui est resté à ce jour sans suite au parlement. Intervenant dans le débat sur ce blocage, le Conseil supérieur des Oulémas a affirmé, il y a quelques jours dans un communiqué, que les dispositions du code pénal relatives à la question de l’avortement ne connaîtront aucune modification « sauf ce qu’exige l’intérêt et permet l’Ijtihad ».

La position du Conseil supérieur des Oulémas intervient à un moment où le Maroc connaît un grand débat au sujet des revendications des acteurs des droits humains et des femmes appelant à un amendement du code pénal en vue de légaliser le recours à l’avortement, alors qu’un autre courant au sein de la société s’y oppose pour des raisons « religieuses et morales ».

Le conseil supérieur des Oulémas estime que les dispositions contenues dans le code pénal (chapitre VIII, section I, de l’article 449 à l’article 458) sont la seule référence concernant la question de l’avortement, ajoutant que l’élaboration de cette loi était « le fruit d’un travail laborieux et de concertations », auxquels ont pris part plusieurs institutions, dont le conseil supérieur des Oulémas.

Pour rappel, la loi marocaine autorise l’interruption volontaire de grossesse dans trois cas: lorsque la femme est victime de viol ou d’inceste ou si elle est atteinte de troubles mentaux, et en cas de malformation fœtale.

Le Conseil et la subordination

Selon le site arabophone Hespress, Saïd Lakhal, chercheur spécialisé dans les questions de l’Islam politique, estime que « la position du conseil supérieur des Oulémas a été dictée par l’appel du Mouvement unicité et réforme (MUR) qui a demandé au conseil de prendre une position claire sur la question de l’avortement, surtout après la publication par le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) d’un mémorandum sur les libertés individuelles, mémorandum qu’il a remis au ministre Mustapha Ramid ».

Lakhal a ajouté, dans une déclaration à Hespress, que « la controverse qui a accompagné la publication du mémorandum du CNDH a poussé le conseil supérieur des Oulémas à clarifier sa position », estimant qu’il s’agit d’une réponse indirecte au Conseil national des droits de l’homme, qui a fait partie de la commission royale laquelle avait été chargée d’examiner les revendications du mouvement féministe en 2015.

Le chercheur estime que la réponse du conseil supérieur des Oulémas à la demande du MUR de clarifier sa position sur l’avortement « constitue une sorte de subordination, comme s’il obéit aux ordres du mouvement, rappelant que « le Conseil supérieur des Oulémas est une institution souveraine et indépendante qui ne devrait interagir avec aucun mouvement politique ou idéologique.

A ce sujet, Lakhal a expliqué que seul le roi, en tant que Commandeur des croyants, a le droit de demander au conseil supérieur des Oulémas d’exprimer une position sur une question spécifique. La réponse du conseil au MUR est une violation du Dahir constitutif de cette institution et ouvre la voie à d’autres parties pour demander la position des Oulémas, souligne la même source.

Le conseil ignore les médecins

De son côté, le président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin, le professeur Chafik Chraïbi, a indiqué à Hespress que « la sortie du conseil supérieur des Oulémas sur l’avortement n’a pas été réussie car elle soutient une partie de la société sans l’autre », ajoutant que les cas d’avortement permis par la loi marocaine ne représentent que 15% de ceux pratiqués quotidiennement.

Chraïbi a ajouté que « le conseil supérieur des Oulémas voudrait en finir avec ce débat en sa faveur sans écouter les autres parties », soulignant que « le conseil cherche à mettre fin au débat public sur l’avortement et pour qu’il n’y ait pas plus de marges en cette matière ».

Le président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin a, en outre, rejeté le fait que le conseil supérieur des Oulémas intervient sur des questions liées au domaine médical, affirmant: « c’est nous,les médecins, qui devrons parler de la question de l’avortement, et il n’est pas possible de laisser les hommes de la religion décider de sujets liée à la santé du citoyen », a ajouté la même source.

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